mardi 28 octobre 2008

Légende de quartier

Sur la façade d'un immeuble haussmannien.
Une Ondine frappe facétieusement
à la fenêtre et le long d'elle
ruisselle en giboulées blanches.
Son rire jaillit en continu.
Puis la vitre la réfracte
dans sa fontaine publique
et le bus s'éloigne
des gloussements joyeux.

samedi 25 octobre 2008

(((((((((((Je visite cette ville méditerranéenne, aux nuances chaudes mais au vent froid. La rive que je longe, un peu excentrée de la ville, est quasiment déserte. L’autre côté semble un peu plus animé ; même si les maisons sont enfilées comme les perles d’un collier oublié depuis bien longtemps sur une coiffeuse qui n’est plus guère visitée, j’aperçois deux personnes attablées devant l’immense pan de la boutique d’un bistro, écrin de bois sombre pour de riches conversations. Quelques rayons obliques réchauffent le blanc de la chemise du jeune homme, tandis qu’à côté de lui, des objets que je ne distingue pas renvoient quelques ternes éclats. Rendu curieux de leur vie, je m’engage sur le pont. Tout semble m’emmener vers eux : le vent qui me pousse amicalement dans le dos, comme pour encourager un enfant timide à aller saluer quelque grande personne aimable, les cyprès qui inclinent leur feuillage souriant et m’indiquent ainsi le chemin d’un coup de tête, le pont lui-même qui s’arrondit sous mes pas comme sous la main caressante le dos d’un chat ronronnant. Je me penche un instant au-dessus du parpaing pour vérifier que la présence d’un fleuve bien silencieux. Quand je relève la tête, force est de constater que l’eau a bien coulé sous le pont : les clients ont disparu et avec eux le bistro tout entier – mirage à l’envers d’une carte holographique.


- Tu ne devrais pas restée attablée ici, à boire.
- Tu le fais bien.
- Je ne risque pas de tacher une robe de deuil. Que va-t-on penser ?
- Si tu mets une robe, que tu fais le deuil de ta raison, mon garçon – de toute façon, il n’y a presque personne.
- Je me demande de quoi on a l’air, comme ça.
- De nous.
- Oui, mais si on ne se connaissait pas ?
- Alors nous aurions l’air…
- …de deux ivrognes.
- Non pas. D’une mère et de son fils… ou de deux amants, tiens, un peu marginaux, un peu rêveur…
- Et lui serait en train de lui décrire l’endroit lointain où il veut l’emmener…
- … une ville méditerranéenne aux contours irréels à force d’être nettement découpés par le soleil. Puis des cyprès qui ne seraient plus en deuil et agiteraient leur frondaison dorée.
- J’en prendrai un comme une plume pour la tremper dans le fleuve et créer cet endroit. L’encre même tournerait silencieuse mais avec de doux mouvements de tendresse, des débordements contenus, des odeurs fruitées et un goût enivrant. Le cercle du vin tangue dans son verre, dans sa main.
- Oui, je vois la même chose dans mon verre. Est-ce qu’on pourrait nous voir ? Quelqu’un ?
- Il s’évanouira comme un mirage à peine aperçu venant à nous par le pont de notre imagination.
- Tout de même, il nous surprendra. Sauf si… et elle vide son rêve d’un trait.